Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
21 mai 2010 5 21 /05 /mai /2010 17:17

Le croire et le savoir

 

 

"Nous sommes éduqués à croire, et non à savoir. La croyance peut être manipulée. Seul le savoir est dangereux."

 

Frank Herbert

 

La pierre d'achoppement de notre société moderne se trouve peut-être là. Dans cette guerre jamais perdue que mène le croire à l'égard du savoir. Le déclin du catholicisme de masse en France pouvait nourrir bien des espoirs quant à l'avenir de la raison ; c'était pour mieux céder la place.

Comment défendre encore aujourd'hui le savoir ?

Le but ultime de l'éducation, la seule planche de salut contre la tyrannie.

Le savoir qui comprend le doute, la critique, l'acceptation de l'ignorance… La pensée héritée de Descartes de Montaigne et de Platon, un peu écornée par Pascal et son acceptation d'asservissement. Mais bon..

 

Mais aujourd'hui s'ouvre devant nous le royaume du croire. La communication, le marketing, le coaching, le conseil ont remplacé la réflexion et la recherche.

Il faut communiquer, affirmer, émouvoir, choquer, attendrir. Flatter ou exaspérer les émotions, mais ne pas s'adresser à la raison.

Politiques, guérisseurs, Associations de préventions, publicitaires, humanitaires, commerciaux, communautaristes de tous poils, tous jouent ; parfois brillement ; Avec nos sentiment en évitant religieusement notre réflexion.

 

Et on en redemande, on dirait qu'on aime ça ? Pourquoi ? Par paresse ? Par commodité ? Parce que c'est dans l'air du temps ?

Peut-être parce que les communicants, les as du marketing appuyés sur un siècle de théories et de méthodes psycho sont très forts pour répondre à la peur du vide que génère une société fondée sur la compétition et le profit !

Parce que le croire permet de se focaliser sur les conséquences et de rejeter fièrement les causes !

Ce sont les mêmes cabinets de coaching qui forment les managers de France télécom et qui plus tard, interviennent pour une audit auprès des salariés en détresse… Et qui nous font croire qu'ils agissent pour le bien des salariés.. Se sont les mêmes qui fabriquent des centrales nucléaires qu'ils ne maitrisent pas et qui nous font croire qu'ils assurent le développement durable de la planète…

 

 On peut à grand coup de com, nous persuader que l'injustice la plus grande dans le monde actuel est au choix et selon les semaines : La burka, L'alcoolisme des ado, la domination masculine, la violence des jeunes, la prégnance du porno, l'homophobie, la délinquance des mineurs, le danger des jeux vidéo… Tout sujets pouvant prêter à réflexion.. Mais causes ou conséquences ?

 

Des études et des chiffres existent sur tout ses sujets.. Aboutissant toujours au même constat… Le rapport culture/revenus existant pour la plupart des problèmes évoqués ! Et des informations diffusées (croire) souvent très éloignées de la réalité..

 

 Un des problème vraiment important ne serait-il pas l'acceptation du fait que 20 petits pourcents d'individus d'une espèce, sacrifie le reste de la planète à leur opulence ?

 

Alors les croyances deviennent des alibis pour jouir de ses privilèges sans mourir de honte.

 

Et on se crée des combats illusoires, propre à redonner du flambant à nos egos en berne.

 

Croire que les inégalités touchent de même tous les milieux, croire que les pauvres profitent des systèmes de redistribution, croire que l'économie, la psychanalyse, la psychologie, l'astrologie ou autre homéopathie sont des sciences.. Paravents !

Croire que les gens ont besoin d'aide, de parler, de conseillers… On finit même par les en persuader.. en cas de sinistre ou de licenciement massif le même remède des communicants..

 

C'est plus simple de croire que des imprécations peuvent combattre le racisme, la violence faite aux femmes, le suicide ou l'alcoolisme, que de tenter d'en combattre les causes !

 

Il faut dire qu'un combat dicté par le savoir, impliquerait une remise en cause de position. Les croyances d'hier (religions) et d'aujourd'hui (religions, psychotrucs, astroyogaseries orientalisées, homeocupuncture, et développement personnel systemique…) ne bousculent jamais l'ordre établi. Elles savent y adapter les individus.

 

Le croire a un avantage profond sur le savoir : il n'a pas de limites.

 

Nous faire croire qu'EDF (ou Total ou autre..) fait du développement durable (voir le site http://www.prix-pinocchio.org/rubrique.php?id_rubrique=7#),

 Nous faire croire que Dassault ou que EADS (7eme fabricant d'arme au monde) sont des parangons de vertues sociales, humaines et écologiques (la lecture de leur charte morale est un regal si on est un peu ironique.. On se demande si a chaque missile envoyé ils ne plantent pas un arbre..)

 Nous faire croire que le management participatif, ou le Toyotisme sont des outils de développement et de bien être pour les salariés,

Nous faire croire que l'histoire de la révolution ou de la Vendée a un quelconque rapport avec le très droitier spectacle du Puy du Fou (http://www.oeil-critique.org/spip.php?article156)

Nous faire croire que les séries américaines ne véhiculent pas une vision de la société menant à l'inculture et au conformisme...

 

Pour nous faire croire tout cela il faut être quand même très fort.

Ou alors nous sommes très…

 

Le savoir est plus problématique. Il demande du temps, de l'énergie. Il n'aboutit que rarement à des certitudes. Pire il peut varier.. On peut croire que l'eau est liquide, mais savoir qu'elle est liquide, mais que gelée elle est solide…

 

Le savoir devrait naturellement être la voix royale illuminée pour toute éducation, et, en priorité la nationale ! Mais celle-ci (l'éducation nationale) loin de l'idéal des instituteurs de la IIIème république, s'appuie sur les marchands ou sur les croyants pour déléguer l'accès à de nombreux sujets, et pas des moindre : Sexualité, addiction, alimentation) avec la bénédiction des associations de parents, comment lutter ? (voir texte sur la prévention)

Les enfants ne sont pas plus épargnés que quand le catéchisme était quasi obligatoire !

 

La primauté du croire nous prépare de nombreux Sarkozy et Berlusconi à venir.. En attendant pire !

 

 

"Les veaux, insatisfaits de ceux qui les tondent, les nourrissent et les gardent, résolurent en désespoir de cause d’essayer les bouchers.”

Bertold BRECHT 1933

 

 

 

BERGERET Jean-Jacques

 fish-man-003.png

Partager cet article
Repost0

commentaires